Entretien pour la presse avec alain michel,
président d’Artisans de Paix – Val de Consolation, juin 2018

Entretien pour la presse avec alain michel,
président d’Artisans de Paix – Val de Consolation, juin 2018,

Dans trois mois, Artisans De Paix ne gérera plus le Val de Consolation, c’est une triste nouvelle,
pour quelle raison avez-vous demandé la liquidation de votre association ?

En raison principalement d’un loyer beaucoup trop élevé qui nous a littéralement plombés dès la première année.
Ce loyer annuel de 100.000 euros hors taxes représentait le montant des échéances que la Fondation propriétaire devait rembourser chaque année à ses créanciers afin de ne pas être mise en liquidation.

Pourquoi avoir accepté de régler un loyer d’un tel montant ?

Il m’avait été affirmé avant la signature du bail, que Consolation recevait chaque année plus de 75.000 visiteurs et 15.000 pensionnaires au Monastère en pension complète pour un ou plusieurs jours. Chiffres très largement confirmés par les publicités imprimées de l’époque et par le site Internet de la Fondation sur lesquels étaient indiqués, selon les supports, entre 100 et 150.000 visiteurs annuels.

Avec les stages organisés tous les étés par Alain Chevillat et Terre du Ciel, et ceux que nous aurions organisé nous même le reste de l’année, ainsi que tous les évènements prévus, cette fréquentation de 75.000 visiteurs aurait été largement suffisante pour assumer le loyer, l’animation, les charges de fonctionnement et d’entretien. C’est pourquoi j’ai accepté de prendre cet engagement sans réserve.

En raison de l’objet social de la Fondation propriétaire et de la qualité de ses administrateurs (l’Archevêque de Besançon, le Préfet de Besançon, madame la Sous Préfète de Pontarlier, le président du département, le président de la communauté de commune, le maire de Consolation etc.), je n’ai jamais imaginé que la réalité puisse être différente. Et pourtant elle s’est avérée tout autre puisque annuellement avant notre arrivée, le Val de Consolation n’avait jamais accueilli plus de 10 à 15.000 visiteurs et seulement quelques centaines d’hébergements au monastère.

A ce jour nous avons réglé à la Fondation plus de 500.000 euros de loyer (50.000 de caution) et avons investi en matériel, travaux, équipements, aménagements, mobilier indispensable, 543.000 euros (fabrication de salles de douches communes, réfection d’un toit, installation de production et conduite eau chaude, installation d’une chambre froide, remplacement de 25 radiateurs gelés avant notre arrivée, remplacement de 120 sommiers, remplacement des câbles de la tyrolienne, fabrication et équipement complet de la boulangerie, remplacement de 18 fenêtres complètes… etc.

Comment se fait-il que vous n’ayez pas rapidement réagi et remis le bail en question ?

Parce que je n’ai jamais douté de la véracité des chiffres annoncés par la Fondation, et ce jusqu’à récemment, lorsque j’ai connu l’information par deux anciens administrateurs qui m’ont confirmé qu’une partie des membres du conseil de Fondation était parfaitement au courant, mais avait décidé de garder le silence par crainte de liquidation de leur Fondation si je ne signais pas le bail.

Les trois premières années, j’ai pensé que nous étions les responsables de cette baisse de fréquentation. Alors nous avons tout fait pour assumer nos engagements. Puis j’ai posé des questions aux deux présidents et trésoriers successifs sans jamais obtenir de réponse.

Mais l’extraordinaire charge de travail que nécessite le fonctionnement du Val de Consolation, les urgences permanentes, la charge de l’équipe sur place (30 à 55 personnes selon les périodes), l’accueil des réfugiés hébergés, mais aussi les très bons résultats humains obtenus, ne m’ont pas fait mettre au premier plan ces absences de réponses, d’autant que nous arrivions toujours à trouver in-extrémis des solutions de survie.

Nous sommes plusieurs à avoir investi tous les moyens personnels dont nous disposions et avons été contraints d’emprunter aux banques et à des amis qui ont accepté de se mobiliser.

Aujourd’hui, avec la liquidation nous avons tout perdu, les prêts privés ne seront jamais remboursés, et nous devrons tous assumer personnellement les cautions bancaires.

Y-a-t-il d’autres raisons qui ont contribué à cette situation ?

Oui, la fin des contrats aidés en France. Ces contrats subventionnés nous permettaient d’embaucher des salariés qui venaient en appui des équipes de bénévoles. Durant plusieurs années nous avons eu jusqu’à 24 contrats aidés. Tous ont été supprimés par l’État en très peu de temps.

Comment avez-vous fait pour tenir durant 8 années dans de telles conditions ?

Nous avons la foi, nous avons toujours été portés par l’extraordinaire énergie de Consolation, il se passait tellement d’événements magnifiques, de rencontres extraordinaires, de guérisons inexplicables, de réconciliations que nous ne pouvions imaginer arrêter, persuadés que la solution économique était prochaine.

Cependant, l’intenable situation financière dans laquelle nous nous sommes toujours trouvés, ne nous a jamais permis de réaliser le développement que nous envisagions, nous avons toujours été contraints au minimum indispensable pour continuer à exister.

Vous devrez quitter les lieux le 30 septembre, que ressentez vous ?

Tout d’abord beaucoup de gratitude pour tout ce que nous ont donné et permis de vivre durant toutes ces années le Val et la Vierge de Consolation. Un livre entier ne suffirait pas à en faire l’inventaire.

Et même si aujourd’hui je ne comprends pas encore tout, j’ai l’absolue conviction que cela arrive pour un mieux à venir, pour le Val, bien sûr, et pour chacun de nous.

Notre mission, que j’espère accomplie, devait probablement s’arrêter maintenant.

Mais aussi, car c’est humain, beaucoup d’amertume, de regrets et, bien sûr, de frustrations à cause des conditions qui nous ont été imposées. Car au cours de ces huit années nous avons dû nous battre sans relâche afin de maintenir ouverts tous les jours de l’année le Val et ses installations. Huit années durant lesquelles nous avons entretenu le parc, les chemins de randonnée, le Monastère, la Chapelle et tous les bâtiments.

Huit années d’initiatives, comme les marchés bios à la sortie de la messe en été, l’installation d’une boulangerie artisanale, les pots de l’amitié avec les habitants locaux, les rencontres interreligieuses. Nous avons accueilli les rencontres « grandir ensemble » organisées par Eduka 3000 et Terre du Ciel, rencontres magnifiques ou parents enfants et enseignants ont vécu une semaine ensemble pour apprendre à solutionner les problèmes de vie commune et d’éducation difficile et, chaque année, les Journées du Pardon, véritables sources de transformation personnelle, et tant d’autres événements comme « Faire la paix avec la Terre, rencontres entre écologie et spiritualité, à l’écoute des sagesses ancestrales », le Festival des Musiques Sacrées du Monde etc.

Et puis, notre participation à l’organisation des « 24 heures de méditation pour la Terre » en 2015 et 2016 qui ont réuni plus de 700.000 personnes dans plus de 47 pays par Internet.

On a aussi entendu parler de secte et de stages ésotériques…

De telles expressions pourraient nous faire croire que nous sommes encore dans l’ancien temps. Pour certains les mots yoga ou méditation sont des « gros mots » qui impliquent un caractère sectaire chez ceux qui les prononcent. Lorsque j’entends pareilles bêtises, je suis catastrophé par l’absurdité et la pauvreté de ces propos. D’autant qu’ils sont propagés par de « bonnes consciences » qui pour la plupart n’ont jamais mis les pieds au Val depuis notre arrivée et nous ont fait beaucoup de tort.

En revanche, ces gens ne parlent jamais des personnalités de toutes origines que nous avons accueillies comme Don Miguel Ruiz (auteur du best-seller mondial « Les quatre accords Toltèques »), Olivier Clerc, Pierre Rabhi, Cyril Dion, le Cheikh Bentounès, Jean-Yves Leloup, Dominique Belpomme, Maitre Jung, Satish Kumar, Philippe Desbrosses, Marie De Hennezel, Nassim Haramein, Ravi Shankar, Pierre Pradervand, Rosette Poletti, Marianne Sébastien, Olivier Chambon, Marion Kaplan, Jean-Marie Pelt, Sri Tathata, Marguerite Kardos, Jean-Paul Samputu, Lytta Basset, Marc Stenger, Virginie Robillard, et tant d’autres. Combien de centres européens rêveraient de recevoir de tels intervenants…

Vous aviez gardé l’espoir de vous en sortir ?

Oui, bien sûr, nous étions convaincus que le la fréquentation du Val allait augmenter, nous sommes d’ailleurs passés de 10.000 à 15 000 visiteurs. J’étais persuadé que la Fondation réduirait de 2/3 le loyer puisque, grâce à nous, elle n’avait plus de dette, qu’elle était redevenue créditrice à la banque et qu’elle avait conservé l’intégralité de son patrimoine. Nous pensions alors que les travaux de mise aux normes qui étaient à sa charge et exigés par la commission de sécurité seraient enfin programmés, ce qui nous aurait permis d’accueillir à nouveau les nombreux stages que nous avions dû, pour cette raison, annuler.

Et puis, avec toutes ces expériences, nous avons beaucoup appris de ce qu’il faut développer ou arrêter et nous avions la volonté de poursuivre. Nous savons que le Val de Consolation ne doit pas devenir seulement un lieu de tourisme traditionnel, avec des gérants obsédés par les statistiques de fréquentation, de rentabilité ni l’exercice de petits pouvoirs locaux. Ce serait un affront fait à ses fondateurs, à l’énergie du Val et à cette nature privilégiée et authentique.
Consolation doit exister d’abord pour tous ceux qui pour des raisons diverses veulent grandir, être tirés vers le haut. Ceux en souffrance et en recherche d’un mieux-être, en recherche de transformation, de réconciliation, de consolation…

Ceci inclut naturellement tous les visiteurs et touristes qui viennent s’immerger dans le Val et qui sans le savoir parfois sont, au fond d’eux, dans les mêmes recherches. Nous étions à leur écoute.

Le Val de Consolation avec Artisans de Paix était aussi une belle école de Fraternité, nous avions prévu pour 2019 la mise en place d’un centre de formation, d’étude, de développement en lien avec la nature et l’environnement. Nos successeurs  le réaliseront peut-être.

Le site de Consolation vivait bien avant nous et vivra bien après nous. La question maintenant est de savoir comment… D’avoir vécu et tant donné durant ces huit années permet de penser que nous avons, non pas un droit, mais un devoir concernant le maintien de l’âme de Consolation. Ce devoir nous avons l’intention de l’assumer. Alors, nous attendons de savoir quel sera l’avenir proposé.

On a beaucoup parlé de votre accueil de réfugiés, de cas sociaux difficiles ?

Oui, j’assume ce choix d’avoir accueilli des personnes, partout rejetées mais qui avaient la volonté de s’en sortir. Cela n’a pas toujours été facile et nous n’avons pas toujours réussi, j’en conviens, mais cela faisait aussi partie de notre mission d’Artisans de Paix au Val de Consolation. Beaucoup sont repartis de Conso totalement transformés, certains véritablement ressuscités. Je ne regretterai jamais ce choix au vu des résultats.

A ce sujet, et c’est très important, nous hébergeons depuis plus de 3 ans la famille Aliu, ils sont 5 adultes et un enfant venus du Kosovo, tous totalement exemplaires. Ils viennent une nouvelle fois d’être déboutés de leur demande de régularisation. Pourtant ils ont tout fait pour s’intégrer, école, français, bénévolat intense à la Croix Rouge, travail au Val, solidarités diverses etc.

Ils ont obtenu un soutien appuyé d’élus locaux, maires, sénateur et de nombreuses institutions.

Dans notre époque qui en manque tant, ils ont donné durant ces trois années un extraordinaire témoignage de vraie fraternité, pas de fraternité seulement familiale, mais avec tous. C’est à dire  tous les membres de l’équipe, les visiteurs, les stagiaires, les intervenants, les passants… Toujours prêts à aider, à soutenir, à travailler sans réserve. Ils sont aujourd’hui partie intégrante et intégrée de la famille française dont l’une des principales valeurs se nomme « fraternité », ils en sont des exemples vivants.

Nous sommes catastrophés de savoir qu’ils sont actuellement sous mandat de reconduite dans ce Kosovo qu’ils ont fui il y a 4 ans pour des raisons dramatiques. Nous ne pouvons imaginer les forces publiques venir les chercher un matin et les emmener de force. Tous ici, à Consolation bien sûr, mais à Besançon dans les collèges et lycées où ils étudient, à la Croix-Rouge et partout où ils sont connus, nous sommes persuadés que monsieur le préfet acceptera, malgré tout, une dérogation et qu’il signera leur régularisation prochainement. Il a dans les mains le pouvoir, par une simple signature, de sceller un avenir heureux ou terrifiant pour toute une famille. 

Quel est votre principal regret ?

Que la vérité n’ait pas été mise sur la table dès le premier jour en 2010, nous aurions alors trouvé des solutions avec la Fondation autres qu’un loyer inique qu’il nous a fallu assumer au détriment de nos objectifs et du Val.

Nous aurions établi des relations de vrais partenaires et non de propriétaire-locataire et concurrents.

Le bilan ?

C’est d’avoir fait de notre mieux et le maximum pour Consolation.

Le sentiment d’un devoir accompli, d’avoir réussi cette mission de maintien d’activité et d’entretien du patrimoine et du Val dans de si difficiles conditions.

Plus de deux mille témoignages écrits nous ont été transmis, tous remplis de gratitude, de remerciements pour ce que le Val et notre accueil leur ont apporté.

Pour vos successeurs ?

Qu’ils sachent, concernant la partie financière, qu’il n’y a pas d’autre solution qu’une absence totale de loyer. Que l’engagement nécessaire et les tâches à réaliser imposent l’octroi de subventions ou l’appui de partenaires financiers investisseurs. Dans ces conditions, le potentiel économique sera tout à fait suffisant s’il est bien exploité. 

Qu’ils sachent aussi que faire vivre le Val de Consolation nécessite une équipe soudée et fraternelle réunie par un but commun. Et qu’ils aient conscience que l’avenir du Val selon sa spiritualité, ne pourra reposer que sur la transparence, le service et la Joie.

Que le Val de Consolation a une grande mission à assumer pour l’avenir de l’humanité. Qu’il sera probablement, et je l’espère, un des hauts lieux de Fraternité et de Spiritualité dont l’avenir de notre planète a tant besoin.

Concrètement, que va-t-il se passer à Consolation jusqu’au 30 septembre ?

Alors, nous allons poursuivre notre mission de service, sans réserve, et avec la même qualité, jusqu’au dernier jour. Nous maintiendrons le parc et le Val propres et accueillants et nous continuerons à fleurir, chaque jour, la cour, les abords et les parties communes.

Nous venons par exemple de terminer la réhabilitation de tous les chemins de randonnée qui avaient été très lourdement endommagés par la dernière tempête.

Nous avons aussi totalement restauré les installations qui menaient à la Grande Grotte.

Le parc, le monastère, la tyrolienne, le restaurant de la Source, la boulangerie, la buvette et les boutiques, y compris celle des cristaux « Terre de Lumière » seront accessibles comme toujours.

Tous les stages programmés cet été auront lieu selon le calendrier établi.

Le père Albert Viennet sera sur place, juillet-août, comme l’année dernière. Il célèbrera la messe tous les dimanches à 10h mais également plusieurs jours pas semaine.

Qu’avez vous prévu pour le 15 août cette année ?

Ce n’est pas un hasard si notre dernier jour officiel d’activité est le jour de la fête de Marie, car c’est Elle qui nous a attirés à Consolation.
Nous avons décidé de terminer cette grande aventure humaine dans la Joie. C’est pourquoi nous allons proposer à tous les habitants de la région de nous rejoindre pour ce 15 août afin de partager quelques moments de rencontre, d’échange, de musique et de fête, afin de célébrer ces huit années de vie et d’événements intenses.

Et le 30 septembre ?

Pour conclure en beauté ces huit années si riches en rencontres, en événements, en activité de toutes sortes, nous avons décidé d’organiser une grande fête, le week-end des 29-30 septembre, veille de notre départ officiel avec tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont participé à l’aventure.

Bénévoles, intervenants, stagiaires, musiciens, amis, partenaires… nous rejoindrons pour cette fête inoubliable d’hommage au Val et à Marie à qui ce site est dédié. Hommage en remerciement pour tout ce que nous avons reçu, pour laisser un sceau final d’amitié, de joie et de lumière sur la formidable aventure humaine qui s’est déroulée à Consolation toutes ces années ! Nous avons été de bons gardiens alors, le Val de Consolation nous surprendra très certainement une fois encore au cours de cette dernière rencontre.

Un dernier mot ?

Oui, bien sûr, je veux remercier avec émotion, et au plus profond de moi, toute l’équipe des Artisans de Paix, tous les bénévoles qui m’ont fait confiance, tous ceux qui ont participé et participent encore à cette grande aventure, y compris financièrement. Je veux leur dire ma reconnaissance et mon immense gratitude.

Que souhaiteriez vous dire à nos lecteurs ?

Je voudrais leur demander de soutenir la famille Aliu et peut-être intervenir pour que monsieur le préfet accepte de signer ces régularisations. Et de ne pas hésiter à venir au Val cet été, nous serons vraiment  heureux de leur visite pendant qu’il en est encore temps,

Et vous, Alain Michel, quels sont vos projets ?

Je me consacrerai aux 24 heures de la Solidarité qui se dérouleront à Jérusalem, le 21 septembre 2019. Elles rassembleront de très grandes personnalités venues du monde entier pour témoigner de la nécessaire Fraternité pour notre humanité aujourd’hui menacée par les drames qui bouleversent toute notre planète.

Leur organisation et leur suivi étaient initialement prévus à Consolation. Déjà sont réunis de nombreux mouvements internationaux qui regroupent plusieurs centaines de millions d’internautes tout autour de la planète. Elles seront diffusées sur les cinq continents par streaming, ainsi tous ceux qui voudront participer n’auront qu’à se connecter avec nous grâce à Internet (tablettes, téléphones, ordinateurs).

Enfin, je poursuis la rédaction de deux ouvrages, dont un livre sur ces années passées au Val de Consolation. Je crois qu’il se lira facilement en raison des incroyables et si puissants événements qui s’y sont déroulés tout au long de ces presque neuf années. Un ouvrage de passion pour la lumière, le beau, le bon, mais aussi pour le vrai.